La mise au point – comment la caméra prend une photo nette

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Il y a toujours une perte progressive de profondeur de champ vers l’avant et derrière notre mise au point. Cette perte de netteté se fait rapidement si on a une grande ouverture.

Lorsque l’on ne comprend pas bien la mise au point, prendre une image nette peut sembler le fruit du hasard. Si vous me lisez depuis un moment, vous savez que je gagne ma vie en prenant des photos. Nettes de préférence. Par contre, une fois les chèques encaissés, les assurances et le studio payés, les disques durs remplacés, ma dépendance à la caféine comblée, il reste approximativement -43.00$ pour réinvestir en équipement. Et j’achète en priorité l’éclairage studio, ensuite les objectifs et enfin le boîtier de la caméra. J’ai donc à peu près toujours eu des modèles avec des systèmes de mise au point horrible.

Cela ne change pas les principes et les façons dont votre caméra agit pour faire la mise au point, mais la performance de votre boîtier peut être suffisante pour rendre un certain type de mise au point meilleur que ce que je vais recommander. C’est bien plus souvent la rapidité et la précision de la mise au point qui différentie les modèles de caméra, plutôt que le capteur ou les mégapixels.

Par où commencer pour comprendre la mise au point

Ici, mon temps de pose est trop lent pour geler le mouvement du sujet.

D’abord, si votre photo est floue, il y a quelques raisons possibles. Développer le réflexe d’identifier cette source de problème est le point de départ. Deux sources fréquentes: A) la caméra ou le sujet à bouger durant le temps de pose. La mise au point n’aura pas un impact sur ce souci. Je vous recommande plutôt de lire l’article sur le triangle d’exposition et surtout celui sur la vitesse d’obturation. Il faudra ajuster votre vitesse pour quelle soit suffisamment rapide pour geler le mouvement de votre sujet. B) et qui nous intéresse plus aujourd’hui, c’est que le sujet de notre photo est flou en raison d’une trop petite profondeur de champ ou que notre mise au point a été faite au mauvais endroit dans le cadre. Il faut avoir une compréhension de l’effet de l’ouverture du diaphragme sur la profondeur de champ. Ensuite, vous pourrez mieux comprendre ce que la mise au point fait.

Dans ce cas, la caméra a bougé durant le temps de pose, alors tout est légèrement flou
Le museau est net et le reste devient flou.

Imaginez que votre photo comporte un très grand nombre de plans. Si vous avez un sujet en avant-plan et que votre mise au point se fait sur celui-ci, tout ce qui se retrouve à la même distance de votre objectif sera net également. Ensuite, dépendamment de plusieurs facteurs, l’ouverture de l’objectif en étant un, vous allez progressivement perdre de la netteté devant et derrière ce plan. Par exemple, si vous faites un portrait à F2.0 et que votre mise au point est sur les yeux, vous allez très rapidement avoir du flou en arrière-plan et vers l’avant également. Le nez pourrait très bien être flou, c’est à ce point sensible dans certains cas.

Un portrait d’une amie marabouse dans une file d’attente.

La mise au point manuelle ou automatique?

D’abord, pour un débutant, une cause fréquente de maux de tête est l’ajustement de la mise au point en mode manuel par erreur. Sur le côté de votre objectif, il y a généralement une switch (interrupteur?) avec M et A écrit. On veut que le A soit sélectionné. Il est occasionnellement écrit Af/Mf.

Attention de ne pas accrocher par erreur le AF/MF

La mise au point manuelle à de grands avantages lorsque l’on est dans un environnement ou ni notre sujet ni la caméra ne bouge. La photo de paysage étant un cas pratique, mais pour un débutant, concentrant nous sur les différentes formes de mise au point automatique.

La mise au point en pour une seule prise

Prochaine étape pour comprendre le fonctionnement de la mise au point: est-ce que vous voulez que la caméra soit toujours en train de refaire sa mise au point? Lorsque vous pesez à moitié sur le bouton de déclencheur de votre appareil, par défaut, c’est là que la caméra fera la mise au point. Lorsque vous enfoncez complètement le bouton, la photo sera prise.

Sur la majorité des modèles, on peut indiquer à la caméra de faire une mise au point soit pour une image, soit en continu. La différence étant que pour une seule photo (inscrit comme AF-S ou One Shot), lorsque je pèse à demi sur le déclencheur, la caméra mesure la mise au point et ensuite tant que je ne lâche pas mon doigt du déclencheur, cette mise au point sera barrée. Cela me permet de recomposer mon cadre en tenant mon doigt à demi enfoncé une fois ma mise au point faite. Pour la majorité de mes prises de vue, c’est la méthode que j’adopte. On reviendra aux dangers de cette technique, car il y a un schisme entre les photographes pro sur cette façon de travailler.

Le mode AI Servo ou AF-C

Si la caméra est programmée pour une mise au point en continu (inscrit comme AF-C ou AI Servo), tant que je tiens le déclencheur à demi enclenché, la caméra refait constamment sa mise au point. En théorie, ce serait génial pour suivre un sujet en mouvement. Un chien qui court vers nous par exemple. Dans ce cas, la caméra tenterait de toujours refaire une mise au point sur le sujet en mouvement. Malheureusement, trop souvent, la caméra a de la difficulté à deviner ce qui est le vrai sujet et également de suivre correctement avec la mise au point. Je vous recommande de tester la performance de votre modèle, certaines gammes ont des bons résultats.

Ici la caméra était en One shot et j’ai fait ma mise au point trop vers l’avant. En continu, la caméra aurait peut-être suivi le chien. Ou les pieds. Ce n’est pas infaillible.

Changer ses fonctions se fait d’une manière différente pour chaque appareil, mais généralement on y accède à partir d’un menu rapide (bouton Q sur un Canon)

Enfin, il y a un mode écrit AI Focus sur Canon et possiblement quelque chose de similaire sur Nikon. Ce mode, on ne s’en mêle pas. Ça laisse la caméra choisir automatiquement entre One Shot et AI Servo sur le vif. C’est un bon mode pour confondre l’utilisateur encore plus.

Les collimateurs et les zones

Des fois, lorsque je donne des ateliers, un étudiant viendra me demander un détail par rapport à la mise au point de son boîtier. C’est là que je me sens comme un automobiliste qui à toujours eu une voiture manuelle et à qui on demande des conseils sur l’autopilote et le parking en parallèle intelligent d’une Tesla. Je vais tenter de traduire une citation de Mark Twain pour illustrer: J’étais fier de pouvoir donner une réponse rapide et je l’ai fait: j’ai répondu « je ne sais pas ».

Bref, je ne suis pas vraiment expert quant aux systèmes de mise au point sophistiqués. J’ai un Canon 6D comme boitier principal, qui comporte de mémoire 9 collimateurs vs les 61 ou 100+ qu’il y a sur des bonnes caméras (les petits carrés ou rectangles dans votre viseur) Je peux néanmoins décrire les différences entre les modes.

D’abord, c’est quoi les collimateurs? Les petits carrés ou rectangles dans votre viseur, ce sont des endroits que le capteur est capable d’utiliser pour faire une mise au point. Si un objet touche un collimateur, l’appareil devrait être capable de calculer la mise au point sur celui-ci. Par défaut, tous les collimateurs de votre caméra sont actifs. Donc, lorsque vous prenez une photo, le boitier tente d’identifier des objets dans le cadre et d’effectuer une mise au point. De mémoire, il y a une priorité accordée aux objets près de nous. Le problème est que seul vous savez ce qui est un sujet et ce qui ne nécessite pas être net. Alors la plante en avant-plan va peut-être tromper le système quand ce qui vous intéresse est le regard de votre sujet.

Les collimateurs d’une 80D de Canon

Dans presque tous les cas, les collimateurs sont concentrés au centre du cadre et si vous avez un sujet près du bord, les collimateurs ne l’atteignent pas. Il faudra donc tourner la caméra vers le sujet, faire une mise au point en AF-S ou One Shot et recadrer avec le sujet au bon endroit avant de prendre la photo.

Si vous avez un modèle avec beaucoup de collimateurs, il est possible d’en activer par zone. Par exemple, que juste ceux du côté gauche soient actifs, la caméra va ignorer ce qui se trouve au centre ou à droite pour faire une mise au point. Cela ne veut pas dire qu’automatiquement cette partie de votre photo sera floue.

Une D850 de Nikon. Ouch mon reflex

Pour changer les collimateurs actifs, sur Canon il y a un bouton généralement en haut à droite qui ressemble à une petite croix dans un rectangle. Ceci vous permettra de changer les points actifs et les zones. Pour Nikon, je ne sais plus s’il y a un bouton dédié ou si c’est dans un menu. Sur ma Sony, j’ai dû le configurer sur un des boutons Custom, autrement c’était dans un menu.

Si vous n’avez pas beaucoup de collimateurs, comme pour ma Canon, il se pourrait que la seule option que vous avez soit de les mettre tout actifs ou juste un seul. J’utilise toujours cette option de sélection manuelle. Je choisis généralement le collimateur du milieu et je le place sur mon sujet et je recadre ensuite. Dans des cas où je n’ai pas beaucoup de profondeur de champ, il m’arrive d’activer le collimateur qui se trouve sur le visage ou préférablement l’oeil de mon sujet. Encore une fois, le fait que la zone couverte par les collimateurs est centrale, cela ne convient pas toujours à la composition que j’ai en tête.

Cas difficiles

Je fais ma mise au point sur le rocher près de moi. Avec une petite ouverture, les kayaks sont nets aussi.

Lorsque vous avez des sujets en avant-plan et en arrière-plan et vous ne voulez pas de flou. Une technique rapide, mais pas infaillible, est de choisir une petite ouverture (comme F16) et faire la mise au point sur le sujet le plus près de nous. L’arrière-plan sera probablement net également. C’est plus facile si vous utilisez un objectif qui tend vers le grand-angle (en bas de 35mm). Plus votre objectif aura une longue focale (70mm et plus par exemple) plus cette stratégie aura d’échec, car même à F16 on perd rapidement de la profondeur de champ.

Tout ce que je viens de vous mentionner sera pour un photographe technique pur et dur l’équivalent de manger la bouche ouverte. Celui-ci aura plutôt le réflexe de sortir un tableau avec les hyperfocales pour chaque objectif. Dans mon cas, l’hyperfocal provoque un réflexe nauséeux et mon médecin m’a recommandé de l’éviter à tout prix. Si vous n’êtes pas certain que vos sujets sont nets, allez faire un zoom sur l’écran de votre appareil après la prise de photo pour confirmer. Je décrirai un peu cette technique dans un article sur la photo de paysage, seul endroit à mon avis où cela sert encore.

Ici, puisque je suis dans une soirée et que l’éclairage est très sombre, la caméra n’a pu faire une mise au point correcte.

Deuxième situation difficile pour la majorité des caméras, des endroits trop sombres. Moins il y a de lumière, plus la mise au point s’efforcera de trouver des points d’ancrage pour faire ses calculs. J’ai de meilleurs résultats si j’active seulement le collimateur central de mon appareil. C’est celui-là qui est le plus sensible et fiable. Je pose ce collimateur sur mon sujet, pèse à moitié sur mon déclencheur pour calculer la mise au point, ensuite en tenant à demi enfoncé le bouton, je recadre mon image si je ne veux pas mon sujet en plein milieu.

Enfin, si vous photographiez quelque chose de trop uniforme, ayant peu de contraste, la caméra aura de la difficulté à trouver un ancrage. Faites le test en photographiant un mur d’une seule couleur. La solution est de trouver un sujet avec plus de contraste ou des lignes.

Et avant d’oublier, si vous adoptez comme moi l’habitude de faire votre mise au point à l’aide du collimateur central et de recomposer votre cadre après, il y a un danger à prendre en compte. Si vous avez une petite profondeur de champ, le simple fait de mesurer la mise au point du centre et changer notre cadre pourra introduire du flou. En effet, la mise au point est pour une distance parallèle au capteur, si je change l’angle vers mon sujet en recomposant le cadre, je change également la distance. Cela sera seulement problématique lorsque vous avez une très petite profondeur de champ, comme lors d’un portrait à F2.0. Dans de telles situations je vais tout de même juste utiliser un collimateur actif pour faire la mise au point, mais je vais activer celle qui est le plus près de l’oeil de mon sujet dans le cadrage que je veux utiliser. Ce collimateur est légèrement moins sensible que lui du centre, mais j’évite le danger de recadrer et ne plus avoir la bonne mise au point.

Autres causes d’une mauvaise mise au point

Un peu trop proche de ma vague 😉

Je vous propose une petite expérience. Prenez votre main et mettez-le devant votre visage. À un pied de distance, le voyez-vous correctement? Et à 3 pouces de vos yeux, êtes-vous encore capable de le voir nettement? Il y a des distances minimales pour faire la mise au point sur chaque objectif, nos yeux compris. Si on tente de faire une mise au point avec l’objet trop proche, la caméra sera incapable de faire une mise au point. Il se peut que vous ayez une icône de fleur sur le côté de votre objectif avec une distance. Si c’est le cas, ceci vous indique la distance minimale de mise au point. L’exception à la règle sera une lentille macro, qui est construite pour faire une mise au point extrêmement proche de notre sujet.

Un autre souci que l’on peut avoir est que notre photo s’affiche net sur notre écran, mais on voit du flou dans notre viseur optique. Il faudra simplement ajuster la dioptie de votre viseur. Cela n’affecte pas la prise de la photo, simplement ce que vous voyez à travers le viseur. Ajustez la petite molette pendant que votre oeil est posé contre l’oeilleton. Regardez un objet au loin jusqu’à ce que celui-ci vous semble net.

Un cas facile

On n’a pas autant besoin de s’inquiéter des modes et des collimateurs quand notre sujet est entièrement sur le même plan. Alors si vous photographiez une surface plate et que vous êtes parallèle à celui-ci, la profondeur de champ n’aura pas d’impact.

Les nouvelles technologies

Avec le perfectionnement des boîtiers mirrorless, comme les Sony A7 et la série x de Fuji, la mise au point connaît des avancées intéressantes. La mise au point en continu est de plus en plus fiable. Sur ma Sony A7R ii, je peux la configurer pour suivre en continu l’oeil de mon sujet. Si je bouge ou mon modèle, la caméra réajuste la mise au point.

Je me rend compte que c’est complexe comme sujet, à expliquer et à comprendre. Il y a beaucoup de petites nuances et cela ne rend pas la tâche facile qu’il y ait tant de variations entre les caméras. J’espère que ce survol général vous aura aidé à cibler des sources potentielles de problèmes et également comprendre dans quelle situation utiliser un certain mode.

Comme toujours, chers photographes, je vous dis à la prochaine!

Et n’oubliez pas de partager l’article, merci!

Nigel

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