La fameuse vitesse d’obturation en photo. Mon fidèle compagnon de bataille, qui m’a épaulé 400 000 fois et plus, sans que je lui accorde particulièrement d’attention. Plutôt que de vous raconter des niaiseries comme c’est mon habitude, je vais plutôt commencer en vous partageant une de mes peurs. Je n’ai jamais assez bien utilisé la vitesse comme outil créatif. Même après presque dix ans avec une caméra dans les mains.

Pour apprendre, j’aime bien me fixer des défis sur une période de temps. Pendant deux ans, j’ai appris à bien intégrer l’ouverture de l’objectif. Pendant une année, je me suis concentré sur l’éclairage artificiel. L’année suivante, sur la couleur et ainsi de suite. La vitesse ne s’est jamais ajoutée à ma liste. Est-ce que j’ai des lacunes techniques avec la vitesse d’obturation? Non, mes erreurs sont rares et je peux vous expliquer les principes aisément. Mais pour le côté créatif, mis à part mon travail en photo de paysage, je ne me souci pas terriblement souvent de la vitesse comme outil visuel créatif. C’est pour ça que j’ai reporté l’écriture de cet article le plus longtemps possible. La vitesse me fais encore un peu peur, photographe professionnel que je suis.
La vitesse d’obturation, dans la technique photo.
Alors pour la technique, comment la vitesse d’obturation s’intègre dans notre triangle d’exposition? La vitesse devrait probablement s’appeler temps de pose, parce que c’est effectivement ce que cette variable fait. On laisse la caméra enregistrer tout ce qui se passe pendant un laps de temps. C’est souvent très court, mais c’est un laps tout de même. Au début vous serez peut-être confus de voir 1/1000e de seconde et 1/100e de seconde. C’est quoi la différence? Des fractions de seconde sont difficiles à concevoir étant donné que nos sens perçoivent la réalité à une vitesse à peu près fixe. On ne peut pas ralentir le temps pour mieux voir un joueur de football attraper une passe impossible. Avec une caméra, on le tient pour acquis. On reviendra à ce concept.
Il y a deux questions à se poser avant de déterminer si la vitesse aura un impact sur le rendu visuel de la photo: est-ce que notre sujet est en mouvement et est-ce que la caméra bouge?
Est-ce que mon sujet est immobile?
Si vous photographiez une statue, le seul mouvement que l’on devrait retrouver dans votre cadre est l’occasionnel goéland ou pigeon qui pratique son visou. La légende dit que redécorer le nez vaut 1000 points. Dans ce cas, pas besoin de se soucier d’utiliser un temps de pose rapide afin de geler le mouvement du sujet, ce n’est pas nécessaire. Ce grand conquérant, politicien ou escroc (ou plus probable combinaison des trois) à la patience d’attendre le bon ajustement de votre mise au point.

Et si l’on s’intéresse plutôt au pigeon au vol dans toute sa splendeur? Ah, un vrai défi! On devra choisir si l’on veut geler le mouvement de l’oiseau, de voir chaque détail de plume net et précis; ou à l’inverse de voir du flou dans le battement des ailes. Nous pourrons regarder des exemples de vitesses qui donnent l’effet plus tard, je veux simplement que vous preniez note de la question. Question primordiale qui offre un univers de créativité que moi-même j’ignore trop souvent.
Vous n’êtes pas immobile!
Et la deuxième question à se poser? Est-ce que la caméra bouge? La réponse courte est oui, la caméra bouge toujours avec deux exceptions:


Le reste du temps? La caméra bouge, puisque vous bougez. Votre simple respiration à un impact dans certains cas. Un autre désavantage à reprocher à nos ancêtres qui sont sorties de l’océan préhistorique pour tester cette nouvelle idée révolutionnaire d’oxygène. C’était voué à l’échec dès le départ.
Heureusement, même si l’on bouge incessamment, c’est relativement facile à corriger avec la vitesse d’obturation. Il suffit d’utiliser une vitesse qui est suffisamment rapide qu’on ne détecte pas nos mouvements. Dans mon cas, je vise 1/50e de seconde ou plus rapide (puisque c’est une fraction, 1/100e est plus rapide). Plus lent et je risque d’introduire mon propre mouvement dans la photo. On doit aussi tenir compte de la longueur focale de la lentille, mais je vous épargne les détails pour le moment. On y reviendra. À noter qu’il peut y avoir des contextes qui changent ma capacité personnelle de 1/50e de seconde. Si je suis sur un bateau en haute mer, on oublie cette vitesse. S’il vente 100km/h et je pose des vagues, s’il fait très froid ou simplement si j’ai bu 2L de café, cela aura un impact sur ma stabilité.
Comment se mesure la vitesse d’obturation
On va se simplifier la vie un peu en se donnant des catégories. Ce n’est pas tout à fait scientifique, plutôt une tendance qui peut s’appliquer généralement.
Il y a les vitesses d’obturation rapides. Vraiment rapides. En fractions de seconde, on peut les mettre entre 1/8000e et 1/500e de seconde. Ce sont tellement des courts laps de temps que l’on peut geler le mouvement de notre sujet. Il y a des nuances, par exemple, un oiseau vole peut-être trop vite pour être parfaitement gelé à 1/500e, mais le classement nous aidera en général. Par exemple:


Ensuite, il y a les vitesses très lentes. Disons 1/15e de seconde à 30 secondes ou plus. Là, on est capable de voir le passage du temps, la trace que notre sujet laisse dans l’univers que l’on ne pourrait jamais voir à l’oeil nu.

Et finalement, les temps de pose plates, ordinaires, banals. C’est-à-dire que le sujet ne bouge pas ou très peu et qu’il suffit de tenir compte de notre propre mouvement pour avoir une vitesse entre disons 1/250e de seconde et 1/30e de seconde.

Ici, 1/100e de seconde me suffit, le sujet est relativement statique et moi aussi. La vitesse n’aura donc pas un impact créatif sur la photo. Je pourrais être à 1/1000e de seconde également, visuellement, le résultat serait le même. Mais je perdrais alors de la lumière et il me faudrait soit une plus grande ouverture ou un ISO plus élevé pour avoir la même exposition.
Comment ajuster notre vitesse d’obturation sur la caméra
Sur votre caméra vous avez sans doute remarqué les lettres P A S M pour Nikon et P Av Tv M pour Canon sur votre molette sur laquelle il y a le carré vert complètement automatique. Vous pouvez regarder l’article sur l’ouverture de la lentille pour vous inspirer également sur les différents modes de la caméra.
Lorsque vous êtes dans le mode S/Tv (priorité vitesse), vous pouvez ajuster votre vitesse et laisser la caméra calculer l’ouverture d’objectif nécessaire pour avoir une photo bien exposée. L’ISO, le dernier morceau du triangle d’exposition sera soit calculé automatiquement ou sera ajusté à votre dernière sélection. Cela dépend de votre configuration dans votre menu d’ISO.
Il est également possible d’ajuster la vitesse dans le mode complètement manuel, mais je ne vous le recommande pas si vous êtes débutant.
Généralement, si on choisi le mode priorité vitesse, c’est parce que notre sujet est en mouvement et l’on veut s’assurer d’utiliser une vitesse suffisamment rapide afin de geler l’action. Donc dans un événement sportif ou pour de la photo animalière, c’est souvent le mode par excellence. Et si le posemètre ne vous donne pas une exposition adéquate, trop brillante ou sombre, je vous recommande utiliser la compensation d’exposition afin de régler le souci.
La créativité dans notre usage de la vitesse d’obturation
Le passage du temps, c’est flexible. Tout comme notre temps passé à l’urgence est suffisamment long pour sortir de l’hôpital et découvrir que le niveau des océans a monté de 5m et que les robots ont fait la révolution; ou que notre dimanche de congé dure aussi longtemps qu’une pub sur YouTube, on peut nous aussi tricher et montrer des passages du temps impossible avec notre caméra.



Avec de la pratique, on peut tricher un peu. Ici, le temps de pose est de 1/40e de seconde, mais la caméra bouge de droite à gauche pour suivre le mouvement de mon ami. C’est ce qui me permet de garder un sujet relativement net et un arrière-plan flou avec une trainée de mouvement.

1/100e de seconde, mais moi je suis en train de courir pour rattraper mes sujets. Et je bouge plus vite qu’eux. La conséquence est un bel effet de flou de mouvement qui simplifie les formes et les couleurs du cadre, sans perdre le contexte.
Quelques dernières précisions sur la vitesse d’obturation.
La longueur focale de l’objectif va avoir un impact. Puisque je n’ai pas encore écrit d’article sur les objectifs, je vais simplement vous dire d’utiliser une vitesse plus rapide si vous zoomez. Lorsque j’écrirai un article complet sur les focales, j’ajusterai celui-ci, mais je ne veux pas vous donner un morceau de casse-tête que vous ne savez pas comment utiliser.
Ensuite, dans le même ordre d’idée, la photographie avec flash comporte une nuance additionnelle. Histoire courte, vous ne pourrez pas photographier avec une vitesse plus rapide que 1/160e à 1/250e de seconde selon le modèle d’appareil. Pas plus de détails sans article additionnel, mais cela vous sera utile un jour.
Enfin, il y a un détail qui est important et pour lequel je ne crois pas être en mesure de décrire avec du texte. Comment tenir sa caméra. Ça peut sembler banal, mais cela aide énormément à couper l’introduction du flou par nos propres mouvements. Je suis photographe pro et beaucoup trop occupé et arrogant lâche pour filmer une vidéo sur comment tenir sa caméra, mais je vous recommande celle-ci:
Alors, chers photographes, je vous dis à la prochaine!
Et n’oubliez pas de partager l’article, merci!
Nigel
Et finalement, si vous insistez à vous compliquer la vie, voici la liste complète des vitesses d’obturation.
Je recommande de vous concentrer sur le concept des trois catégories( rapides, lentes et normales/banales), mais c’est vous l’artiste.
Chaque fois que l’on descend une colonne, on double la quantité de lumière. Et lorsque l’on saute dans la colonne de droite, on ajoute un tiers de lumière à notre exposition.
